La collection Max Fourny du Musée International d'Art Naïf de Vicq (www.midan.org), à proximité de Paris, regroupe des artistes des quatre coins du monde, provenant de plus de 40 pays. Lors du catalogage informatisé de la collection (fin des années 1990, début des années 2000), vu que la collection regroupe des œuvres de provenance internationale, il a été convenu pour les titres en langues étrangères de n'en inventorier que la traduction française, sans garder trace du titre original. Ceci avait comme but d'éviter le multilinguisme au sein de l'inventaire informatisé du musée. Le personnel du musée a dû se transformer en équipe de "traducteurs bénévoles en plus de 40 langues" pendant la durée de l'inventoriage.
Nos travaux de "nettoyage" et de normalisation entrepris en 2004-2005 ont montré que la difficulté de comprendre le titre original avait parfois conduit les membres de l'équipe d'inventoriage à des tentatives de traduction pas ou peu réussites, ou bien à l'attribution arbitraire de titres factices. Dans une tranche de 150 documents tirés de l'ensemble des images de la collection, après comparaison de l'inventaire informatisé avec les œuvres originales, nous avons constaté 21 cas d'erreurs dans la traduction du titre original (soit 14%!).
Certaines images souffraient de mauvaises traductions qui détournaient complètement leur sens. Par exemple, lors de l'exposition intitulée "Magie de la Couleur" en 2003, en rédigeant un commentaire sur un tableau désigné dans l'inventaire comme "Manifestation", nous avons dû parler de passage à l'action exprimé par la couleur rouge; finalement, nous avons découvert par le biais d'un spécialiste belge que le nom original du tableau était "Torcedor", signifiant "Supporter" en brésilien, et qu'il s'agissait de supporters d'une équipe brésilienne de football dont l'uniforme est rouge. La recherche des titres originaux a mis à jour d'autres "perles" de la traduction bénévole:
-"Expectation" ("Espérance" en anglais) avait été traduit par "Un ange passe"
-"Die geschichte vom Paradies" ("L’histoire du paradis" en allemand) traduit par "Si l’on pouvait y aller"
-"No entardecer" ("Au crépuscule" en portugais) par "Impossible d'entrer ou Un spectateur au paradis"
-"A Cidade do Menino" ("La cité de l’enfant" en portugais) par "Repos des citadins"
-"Pacifica convivenza a Roma" ("Vie paisible en communauté à Rome" en italien) par "Confidences à Rome"
-"Paisaje con haz de luz" ("Paysage au faisceau lumineux" en espagnol) par "Loin de la ville"
-"Amanecer en la ciudad" ("L'aube en ville" en espagnol) était devenu "L'heure d'affluence"
-"Cosiendo junto al arco" ("En cousant près de l'arche" en espagnol) avait été traduit par "Conciliabule"
Si certaines traductions étaient thématiquement proches aux titres originaux.
-"Potop" ou "Arche de Noé" en croate traduit "Déluge" ou
-"Proljēce u parku" ou "Le printemps dans le parc" en croate traduit " Promenade dans le parc",
on ne saurait pas dire pareil pour le tableau "Frische Früchte" qui montre une vendeuse de fruits frais en Amérique Latine et que l'on avait traduit par "Carnaval", et encore moins pour le tableau d'un artiste croate intitulé "Izložba c vijeća (u Povjesuom murejw)" ("Exposition de fleurs au Musée Historique") traduit par "Réception à l'Hôtel de Ville".
Des toponymes ignorés par l'équipe d'inventoriage avaient été interprétés ou traduits en autre chose, tels:
-"Cochem a.d. Mosel" traduit par "Château près de la rivière"
-"Altstadt-Beisl mit Schanigarten" ("La vieille ville de Beisl avec le Schanigarten" en allemand) traduit par "Auberge autrichienne ou Le restaurant"
-"Ίος – Λιμάνι" [transcription: Ios – Limani] ("Port d’Ios" en grec) qui avait été simplifié en "Petit port"
-"Maisons de la Grèce du Nord" (Νικητή Χαλκιδικής) [transcription: Nikiti Chalkidikis], qui, malgré la partie française du titre, avaient été transformés en "Maison sous la vigne"
L'inscription manuscrite un peu calligraphiée du titre "Encuentro con la lluvia", signifiant la rencontre avec la pluie en espagnol, n'a pas pu être lue correctement; par conséquent, un titre factif a été donné: "Scène de nuit dans la ville", qui décrit aussi bien le tableau, mais qui n'était pas le choix de l'artiste. Enfin, l'impossibilité de traduire le titre croate "Put u raj" donne lieu à une interprétation poétique: "Rêve lubrique"; le titre signifie en réalité "Le chemin au paradis".
Pourquoi insister sur la précision de la transcription ou sur la fidélité de la traduction du titre? Le titre fait partie intégrante de l'œuvre. Il est assigné par l'artiste au moment de sa création. Les mots contenus dans le titre donnent son sens à l'image, et en même temps en constituent les descripteurs. Eliminés, mal interprétés ou modifiés ces descripteurs, les clés d'accès au document sont perdues, à moins qu'un inventaire rétrospectif ne les rétablisse...
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